« …au confluent de la médecine, de la pharmacie, de la philosophie (…) et de toute autre discipline liée au développement technoscientifique contemporain.

Interwiew de Josué Guébo, Président de la Société Ivoirienne de Transhumanisme, par Moriba Sanogo, de Fraternité-Matin.

  • Le 16 septembre à la faveur d’un congrès constitutif, vous avez été porté à la tête de société Ivoirienne de Transhumanisme : De quoi s’agit-il exactement ?

Il  est question d’une structure qui se veut un espace d’activité heuristique et critique.  La société Ivoirienne de transhumanisme est située au confluent de la médecine, de la pharmacie, de la philosophie, de la biologie, de l’informatique et de toute autre discipline liée au développement technoscientifique contemporain.

  • Quelles sont les raisons qui ont présidé à la création d’une telle société ?

Nous avons voulu créer cette société scientifique pour offrir aux chercheurs vivant en Côte d’Ivoire, et au-delà, un cadre de réflexion ouvert sur l’analyse transversale des principales évolutions technologiques. De telles mutations sont en rapport avec la modification du sujet humain, tant par voie génomique que par hybridation à la machine. Pour bien comprendre ces questions et en avoir une saine appréciation, nous avons pensé qu’il nous fallait en avoir une saisie synoptique. Cela justifie le caractère transdisciplinaire de notre société.

  • Y’a-t-il des critères pour adhérer à cette société ?

Nous sommes une société scientifique. A priori la structure est ouverte aux Universitaires. Ils doivent avoir déjà publié au moins deux travaux sur des questions en rapport avec les technosciences, en général et le transhumanisme en particulier. Mais la société peut exceptionnellement s’ouvrir à toute personne intéressée par la problématique transhumaniste, cooptée et admise par notre congrès.

  • En clair qu’est-ce que le Transhumanisme ?

Le transhumanisme est un courant de pensée qui entend développer les capacités humaines, au plan psychique, physique et intellectuel, en s’appuyant sur la science et la technologie. Ce courant de pensée estime que le vieillissement, la mort et autres expressions de la finitude ne sont pas insurmontables. Le transhumanisme est généralement pensé dans les pays dits du Nord, pourtant les problématiques qu’il soulève concernent toute l’humanité. Nous avons pensé que nous n’avions pas à être en reste de la réflexion.

  • Il est question de transcender le vieillissement, la mort par la science. Comment concrètement ?

Le dépassement dont il est ici question s’effectue au moyen d’augments bioniques et de modification génétique globalement. Les augments bioniques, contrairement aux artefacts classiques, sont eux reliés au système nerveux central. Ils ont ainsi la capacité de fonctionner comme des membres à part entière du sujet corporel. Plusieurs généticiens pensent qu’il sera bientôt possible de reprogrammer les cellules vieillissantes d’un adulte humain au moyen de la manipulation de ses gènes. L’espoir de rajeunir les cellules vieillissantes chez l’homme s’appuie sur des expériences concluantes opérées sur des souris transgéniques.

  • N’est-ce pas remettre en cause l’évolution normale de l’homme ?

Tout le débat est là. Dans une société entièrement sécularisée, qui fixe les règles de l’évolution et de la normalité ? Il faut déjà que la société Ivoirienne, en particulier, et les sociétés africaines en général, définissent leur vision de l’Homme, sans se croire obligées d’importer leurs standards au rayon du prêt-à-penser occidental. Et qu’est-ce qui serait le Normal ? Le fait d’abandonner l’évolution de l’Humain à l’incertitude ou le fait pour l’homme de mettre à contribution son intelligence dont l’un des traits caractéristiques est quand même la capacité d’anticipation ? Il sera, entre autres, question d’évaluer de telles question pour se déterminer au mieux.

  • Quels sont les avantages du transhumanisme ?

Les technosciences –  et le projet  transhumanisme en particulier –  font avancer la science notamment dans la lutte contre les handicaps. Aujourd’hui au moyen d’exosquelettes, le transhumanisme offre la possibilité aux tétraplégiques de retrouver une mobilité. Plusieurs techniques restent encore à parfaire, mais les bonds effectués sont déjà importants.  De même, le projet transhumaniste est en passe, via la maitrise des techniques de rajeunissement tissulaire de venir à bout de maladies telles que l’Alzheimer, le diabète, le cancer, etc., qui sont, dans plusieurs cas, des échos du vieillissement. Mais le transhumanisme est beaucoup plus ambitieux : il est dans le longévisme, c’est-à-dire dans le projet de rendre le fait d’être centenaire, aussi commun qu’être trentenaire aujourd’hui. Le transhumanisme souhaite mener, à terme, à l’immortalité. Tel est par exemple l’idéal fondant la cryogénisation, un projet qui vise la résurrection des morts. Certains parlent de pure utopie. Mais l’histoire des sciences montre qu’il faut réfléchir par deux fois avant d’affirmer qu’un projet scientifique relève du délire. Un avion pèse entre 50 et 70 tonnes. Le premier a avoir affirmé qu’on pouvait faire voler un tel mastodonte a dû être pris pour un farfelu. Aujourd’hui faire voler ces 60 tonnes à 10 kilomètres du sol et à une vitesse de 800 kilomètre/heure est devenu un fait anecdotique. Ça devrait nous faire réfléchir…

  • N’y a-t-il pas de risques ?

Comme dans presque tous les domaines de la science ou de la technologie, il y a des risques. Un remède mal ingéré peut être fatal. D’où la nécessité d’une veille bioéthique et d’une analyse critique. Ce qui serait dommage ce serait qu’en tant qu’Africains nous soyons juste des consommateurs de technologie sans être ni producteur ni analyste du bien agir technoscientifique. La conscience bioéthique et le rapport sain à l’écosystème sont des exigences auxquels aucune communauté ne doit se soustraire !

Par Moriba Sanogo, de Fraternité-Matin

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